L’activité artistique de l’automne 2020, bien que freinée, bousculée et affaiblie par la recrudescence de la pandémie, montre une parfaite santé en matière d’expositions d’art contemporain sur les enjeux écologiques. Après avoir parcouru nombre d’entre elles en France (voir notre article ici), nous vous proposons ici un aperçu de quelques temps forts et insolites qui se produisent à l’international.

Quatre grandes figures de l’art contemporain accélèrent simultanément la prise de conscience environnementale dans différents endroits du globe. Tomás Saraceno pousse ses utopies réalistes, de la mobilité post-carbone aux nouvelles relations inter-espèces, dans deux expositions personnelles, « Event Horizon » à Copenhague, et « Moving Atmospheres » à Moscou. Tandis que son exposition personnelle « There’s No Such Thing as Solid Ground » retentit à Berlin, Otobong Nkanga s’apprête à inaugurer « Uncertain Where The Next Wind Blows » à Oslo, démontrant une fois encore l’interdépendance entre l’humain et son environnement. John Gerrard, père du célèbre « Western Flag », donne actuellement sa « réponse à l’escalade de la crise climatique » dans son Irlande natale, à Galway, Capitale européenne de la culture 2020, avec une simulation sur un cube monumental, un « Mirror Pavilion » qui renoue avec la terre et le soleil, le culte des moissons et les figures mythologiques locales. Gerrard ouvre également la nouvelle exposition du Centre Ullens pour l’art contemporain à Pékin, consacrée au monde digital et à sa vision du futur. Enfin, Olafur Eliasson (parrain d’Art of Change 21) clôture son exposition personnelle à Tokyo « Sometimes the river is the bridge » et inaugure son installation pérenne « Our glacial Perspectives » au sommet des Alpes tyroliennes, un dispositif optique et interactif qui sensibilise à la disparition progressive des glaciers et aux perspectives glaçantes de notre planète…

Pendant ce temps, deux jeunes artistes, passionnés de géologie et déjà explorateurs avertis du pôle Nord, marquent également l’automne artistique avec leurs expositions personnelles. Avec son insolite « Triple Point », l’anglaise Hannah Rowan déploie à Lisbonne le concept novateur d’« hydroféminisme », emprunté à la chercheuse Astrida Neimanis, une phénoménologie féministe post-humaniste qui comprend le corps comme partie intégrante du monde naturel et non séparé de lui. En Suisse, l’exposition « Towards No Earthly Pole » de l’artiste explorateur Julian Charrière, dont le titre est issu du film du même nom qu’il a réalisé en Arctique, rend compte de la transformation des pôles à l’ère de l’Anthropocène. L’exposition mêle de nouvelles pièces avec sa série désormais culte « The Blue Fossil Entropic Stories ».

 

Crédit : Julian Charière, « Tropisme », Towards no Earthy Pole, Aargauer Kunsthaus, Aarau, Suisse, 2020, photo: Jens Ziehe
Crédit : Hannah Rowan, « Triple Point », Galerie Bello Campo, 2020, courtesy of the artist

Les expositions collectives montrent aussi un vif intérêt pour la thématique environnementale, croisée avec des enjeux scientifiques, technologiques et philosophiques. L’exposition « Critical Zones – Observatories for Earthly Politics » au ZKM (le Centre d’art et media de Karlsruhe) recense les connaissances et les expériences sur les situations critiques qui se multiplient avec la crise écologique. Bruno Latour et ses co-commissaires et amis dont Peter Weibel réunissent Uriel Orlow, Fabien Léaustic, Petra Maitz, Sarah Sze, ou encore Anna Atkins. 

« ECODATA » le festival Art-Science de Riga, met à l’étude la « perspective écosystémique » ! L’exposition principale crée une passerelle entre la technologie et l’écologie, tout en y intégrant les problématiques technologies dans l’art écologique. Une quinzaine d’artistes et collectifs y présentent des œuvres d’un genre nouveau dont Ursula Biemann, le duo d’artistes Semiconductor, ou encore Marcus Maeder. Enfin, le Migros Museum à Zurich inaugure « Potential Worlds 2: Eco-Fictions », la suite de « Potential Worlds 1: Planetary Memories » (voir notre article ici). Les artistes sont ici à la recherche de nouveaux modes de vie et imaginent de nouvelles formes de relations homme-nature, une tentative de solution à la crise écologique actuelle. Parmi les artistes conviés, citons Bo Zheng, Peter Fend, Tue Greenfort, ou encore Adrián Villar Rojas.

Dépassant les limites de la simple exposition physique, ces expositions proposent des visites virtuelles et de nombreux rendez-vous en ligne. De telles offres sont précieuses dans la période actuelle et dans la continuité du monde hyperconnecté qu’elles explorent (notez, dès à présent, la visite guidée de « Critical Zone » le 30 octobre).

Les arbres, ébranlés par les canicules et les incendies récents, s’imposent comme thématique d’exposition à part entière. En atteste le grand succès de « Nous, les Arbres » à la Fondation Cartier, à Paris. À Londres, tandis que l’exposition « Formafantasma : Cambio » reprend  son exploration de l’industrie du bois aux Galeries Serpentine (voir notre article ici), la Hayward Gallery offre, quant à elle, une exposition plus académique : « Among the Trees » avec Rachel Sussman, Guiseppe Penone, ou Eija-Liisa Ahtila… Enfin, au Kestner-Gesellschaft à Hanovre, l’artiste berlinois Olaf Holzapfel a rassemblé dans une installation monumentale des troncs d’arbres morts de la sécheresse. L’œuvre appelée est « Sit-in » : allons-nous continuer longtemps à nous asseoir et à converser sur les ruines de nos modes de vie carbonés, avant d’agir ?

Alice Audouin et Marie Leprêtre

 

Expositions :

Event Horizon (exposition personnelle de Tomás Saraceno ) – Cisternerne Museum, Copenhague, Danemark – du 2 juin au 30 novembre 2020.

Moving Atmospheres (exposition personnelle de Tomás Saraceno) – Garage Museum d’Art contemporain, Moscou, Russie – du 11 octobre 2020 au 14 février 2021.

There’s No Such Thing as Solid Ground (exposition personnelle d’Otobong Nkanga) – Gropius Bau, Berlin, Allemagne – du 10 juillet au 13 décembre 2020.

Uncertain Where The Next Wind Blows Ground (exposition personnelle d’Otobong Nkanga) – Centre d’art Henie Onstad, Oslo, Norvège – du 13 novembre 2020 au 31 janvier 2021.

Mirror Pavilion (exposition personnelle de John Gerrard) – Claddagh Quay, Galway, Irlande – du 3 au 26 septembre 2020 – et Derrigimlagh Bog, Connemara, Irlande – du 20 mars au 11 avril 2021.

Immaterial – Re Material (exposition collective) –  Centre Ullens pour l’Art contemporain, Pékin, Chine –  du 26 septembre 2020 au 17 janvier 2021.

Sometimes the river is the bridge (exposition personnelle d’Olafur Eliasson) – Musée d’Art contemporain, Tokyo, Japon – du 9 juin au 27 septembre 2020.

Triple Point (exposition personnelle de Hannah Rowan) – Belo Campo, Galerie Francisco Fino, Lisbonne, Portugal –  du 18 septembre au 22 octobre 2020.

Towards No Earthly Pole (exposition personnelle de Julian Charrière) – Musée des Beaux-Arts d’Argovie, Aarau, Suisse –  du 6 septembre 2020 au 3 janvier 2021.

Critical Zones – Observatories for Earthly Politics (exposition collective) – ZKM Center des arts et des Media, Karlsruhe, Allemagne – du 23 mai 2020 au 8 août 2021.

ECODATA (exposition collective) – Galerie RIXC, Bibliothèque Nationale de Riga, Lettonie – du 8 octobre au 12 décembre 2020.

Potential Worlds 2: Eco-Fictions (exposition collective) – Migros Museum, Zurich, Suisse –  du 24 octobre 2020 au 21 février 2021.

Formafantasma : Cambio (exposition collective) – Galeries Serpentine, Londres, Royaume-Uni – du 29 septembre au 15 novembre 2020.

Among the Trees (exposition collective) – Hayward Gallery, Londres, Royaume-Uni –  du 1 août au 31 octobre 2020.

ARTS and CRAFTS Between Tradition, Discourse, and Technologies (exposition collective) – Galerie Kestner-Gesellschaft, Hanovre, Allemagne – du 2 octobre 2020 au 10 janvier 2021.

 

Octobre 2020

Crédit : « Our Glacial Perspective »,  Olafur Eliasson, 2020, photo: David Orru

Retrouvez l’ensemble des articles d’Impact Art News n°23 – Octobre 2020

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