L’année 2022 s’annonce en France comme un excellent millésime en ce qui concerne l’actualité artistique en lien avec l’écologie et l’environnement, comme en témoigne ce premier aperçu des expositions des prochains mois. A Paris, mais aussi en région ou en zone rurale, plus de vingt expositions attestent d’un décentrement de l’homme vers ses interactions avec les non-humains et ouvrent avec optimisme une année plus que jamais confrontée à la crise écologique, apportant d’autres manières de vivre ensemble.
Vers de nouvelles manières de vivre sur notre planète ?
Lille, capitale de la culture écologique de la France ? Près de 20 ans après avoir été capitale européenne de la culture, point de départ des saisons triennales de lille3000, la nouvelle édition Utopia porte sur le thème de l’environnement et explore l’utopie comme source d’inspiration d’une autre relation à la Terre, à travers une centaine d’expositions et événements. Trois grandes expositions d’art contemporain sont au cœur de cette saison : Les Vivants, organisée par la Fondation Cartier au Tri Postal, sous le commissariat de Bruce Albert et d’Hervé Chandès (avec Bernie Krauze, Fabrice Hyber et de nombreux artistes d’Amazonie), Novacène, des commissaires Alice Audouin* et Jean-Max Colard à la gare Saint Sauveur (avec 20 artistes dont Haroon Mirza, Otobong Nkanga, Fabien Léaustic, Anna Komarova, Bianca Bondi, Zheng Bo...) ainsi que Le Serpent Cosmique curatée par Fabrice Bousteau au musée de l’Hospice Comtesse (avec Leandro Erlich, Piero Gilardi, Zevs…).
Le Centre Pompidou Metz accueille d’ores et déjà l’exposition collective Toi et moi, on ne vit pas sur la même planète, une partie de la Biennale de Taipei, conçue par Bruno Latour et Martin Guimard. Où atterrir ? Sur quelle planète vivons-nous ? Qui suis-je ? Telles sont les questions auxquelles tentent de répondre les curateurs de cette exposition. On y découvre des œuvres d’artistes de la scène Taïwanaise ainsi que d’autres internationaux, Femke Herregraven, Nomeda & Gediminas Urbonas.
Depuis le 9 janvier à la galerie In situ, Fabienne Leclerc (Romainville), Otobong Nkanga présente de nouvelles œuvres olfactives au côté de son travail sur les ressources surexploitées. Le Care et la générosité promus par l’artiste sont mis en action au sein même de la galerie. Elle a décidé de partager son exposition avec quatre autres jeunes artistes qu’elle souhaite mieux faire connaitre. Wiktoria Wojciechowska (lauréate du Prix Planète Art Solidaire d’Art of Change 21** en 2021), dans son exposition intitulée The Study of Traces ouverte le 21 janvier à la galerie Sono, Paris, présente des photographies, des sculptures et des installations. Les traces de végétaux et de pierres sur la peau invitent à songer à une reconnexion à la nature. L’exposition Puisque tout passe d’Hossein Valamanesh, artiste australien d’origine iranienne (décédé brutalement le 15 janvier 2022), à l’Institut des Cultures de l’Islam, à Paris, nous engage à envisager notre rapport à la nature et à l’impermanence des éléments.
Ode au végétal
Les artistes contemporains poursuivent une exploration du végétal comme matière à création. D’importantes expositions personnelles et collectives en témoignent à travers la France. Au Musée National des arts asiatiques-Guimet, Paris, Duy Anh Nhan Duc présentait jusqu’au 7 février trois installations nous invitant à imaginer une vie végétale qui reprend ses droits, notamment en observant les pissenlits et les autres fleurs sauvages récoltées. Le LAAC de Dunkerque consacre une rétrospective de Marinette Cueco, bien connue pour ses tressages de plantes qu’elle récolte, les entrelacs. Une exposition des œuvres d’herman de vries, tout aussi sensible au monde végétal, vient également d’ouvrir à l’abbaye d’Annecy-le-Vieux, curatée par Jean-Marc Salomon. Dans une approche philosophique liée à la marche proche de celle d’herman de vries, l’américaine Helen Mirra est invitée pour la première fois dans une institution française, au Musée d’art contemporain de la Haute-Vienne – Château de Rochechouart.
Dès le 9 février, Marie Ouazzani & Nicolas Carrier (lauréats du Prix Planète Art Solidaire d’Art of Change 21) proposeront à la Maison Salvan, à Labège, près de Toulouse, l’exposition Collision mineure, dans laquelle des plantes domestiquées témoigneront de leur capacité de croître en milieu urbain. Dans ce florilège d’expositions personnelles, celle d’Eva Jospin au Musée de la Chasse et de la Nature, récemment rouvert et agrandi, permet de découvrir ses toutes dernières œuvres en carton, des mondes fantasmés entre architecture et nature.
À la Fondation Schneider à Wattviller, la science botanique est l’objet de l’exposition collective Botanica, qui réunit des artistes de MOTOCO (lieu de production artistique à Mulhouse) dont Emmanuel Henninger. La préservation des forêts, autre enjeu tout aussi urgent, est au cœur de l’exposition de l’association Forest Art Project à l’église des Jacobins, à Agen, curatée par Pauline Lisowski***. Aux côtés des dessins du botaniste de renom Francis Hallé, les œuvres de onze artistes dont Vincent Lajarige, Claude Como, Ursula Caruel, Mark Alsterlind, composent une forêt imaginaire et nous incitent à nous approcher d’une biodiversité à préserver.
La question du vivant, des liens entre humains et non-humains
À la Cuisine, Centre d’art et de design à Négrepelisse, Diane Trouillet & al crée une exposition laboratoire intitulée Guerre et paix du vivant. Conviés à agir au sein de son dispositif, les visiteurs sont engagés à être plus sensibles aux interactions entre les espèces. Toujours en zone rurale, Rurart, seul centre d’art contemporain sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture, accueille une exposition personnelle de la performeuse Sarah Trouche. Avec la conscience que le corps humain ne pourra pas faire face à la crise écologique, elle choisit la fuite et la mise en retrait.
Pour sa première exposition monographique dans une institution européenne, au MO.CO. Panacée, à Montpellier, l’artiste américain Max Hooper Schneider installe ses jardins « médico-légaux » (forensic gardens) ainsi qu’un ensemble d’œuvres dont les matériaux furent soumis aux aléas du temps.
Par ailleurs, « Je suis un animal » est le thème de la saison artistique du Domaine Départemental de Chamarande. Celle-ci s’ouvrira le 26 mars avec l’exposition collective Devenir un autre animal: les œuvres de huit artistes (Julien Salaud, Odonchimeg Davaadorj, Delphine Gigoux-Martin…) se déploieront dans le château, avec un parcours artistique pour repenser nos relations et nos similitudes avec l’animal. Suite à sa résidence de recherche et de création au sein du Musée national de la Marine et du Centre de la Mer à Rochefort, Elsa Guillaume y installe ses céramiques depuis le 6 février. D’autres œuvres sont à découvrir à la Corderie Royale. Ces deux expositions proposent un voyage vers le monde marin, l’imaginaire qu’il procure et la protection dont il a besoin.
Le marché de l’art, précurseur ?
Enfin, le salon Art Paris (du 7 au 10 avril 2022) place l’environnement et la nature au cœur de sa nouvelle édition. Le directeur Guillaume Piens invite les deux curateurs Alfred Pacquement et Alice Audouin à mettre en lumière des artistes exposés au salon au travers de cette thématique. Eva Jospin ou Anne et Patrick Poirier, entre autres, figurent dans la sélection d’Alfred Pacquement. Suzanne Husky ou Michelangelo Pistoletto comptent parmi les artistes choisis par Alice Audouin. Grande première dans l’histoire des salons d’art contemporain, Art Paris dévoilera sa démarche d’éco-conception et les résultats d’une analyse de cycle de vie (avec Karbone Prod, en collaboration avec Solinnen et Art of Change 21).
En 2022, une nouvelle ère voit le jour et encourage les artistes à créer un monde où les Vivants végétal, humain, animal cohabitent en harmonie. Ce qui promet de belles perspectives philosophiques, concrètes et artistiques à venir.
Pauline Lisowski
Janvier 2022
* : directrice de publication et rédactrice en chef d’Impact Art News
** : éditeur d’Impact Art News
*** : autrice de cet article
Crédits
Couverture : Anna Komarova, Another Forest, 2021 / Pteridophilia 1, 2016, Zheng Bo / Sarah Trouche, Activation Svalbard, Avec la conscience qu’elle ne peut poursuivre sur le chemin des Vivants, elle prend la décision de le quitter, Rurart, 2021 / Elsa Guillaume Série Triplekit, Exposition 10 ans de céramique aux Beaux-Arts de Paris, 2018 / Max Hooper Schneider, Eocene Epizoon : Virus Spire (detail), 2021. Courtesy of the artist and High Art, Paris – Arles
Retrouvez l’ensemble des articles d’Impact Art News n°36 Janvier / Février 2022
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Expositions citées dans l’article :
Edition Utopia, lille3000, Lille. Les Vivants, Le Tripostal, Novacène, Gare Saint-Sauveur, Le Serpent Cosmique, Musée de l’Hospice Comtesse, du 14 mai au 2 octobre 2022. Lien
Toi et moi, on ne vit pas sur la même planète, Centre Pompidou Metz, du 6 novembre 2021 au 4 avril 2022. Lien
Togethering, Otobong Nkanga, galerie Insitu Fabienne Leclerc, Romainville, du 9 janvier au 12 février 2022. Lien
The Study of Traces, exposition personnelle de Wiktoria Wojciechowska, galerie Sono, Paris, du 21 janvier au 12 mars 2022. Lien
Puisque tout passe, exposition personnelle d’Hossein Valamanesh, Institut des cultures de l’Islam, Paris, du 23 septembre 2021 au 13 février 2022. Lien
Duy Anh Nhan Duc, Musée National des arts asiatiques-Guimet, Paris, du 10 novembre 2021 au 7 février 2022. Lien
L’Ordre naturel des choses, Marinette Cueco, LAAC, Dunkerque, du 16 octobre 2021 au 6 mars 2022. Lien
herman de vries, L’Abbaye – Espace d’art contemporain, Annecy-le-Vieux, du 21 janvier au 24 avril 2022. Lien
Du Vent au Vent, exposition personnelle d’ Helen Mirra, Musée d’art contemporain de la Haute-Vienne, Château de Rochechouart, du 28 février au 18 septembre 2022. Lien
Collision mineure, Marie Ouazzani & Nicolas Carrier, Maison Salvan, Labège, du 9 février au 2 avril 2022. Lien
Galleria, exposition personnelle d’Eva Jospin, Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, du 16 novembre 2021 au 20 mars 2022. Lien
Botanica, exposition collective, Fondation Schneider, Wattwiller, du 11 décembre 2021 au 27 mars 2022. Lien
Forest Art Project, exposition collective à l’église des Jacobins, Agen, du 29 janvier au 30 avril 2022. Lien
Guerre et paix du vivant, Diane Trouillet & al, La Cuisine, centre d’art et du design, Négrepelisse, du 6 novembre 2021 au 6 mars 2022. Lien
Avec la conscience qu’elle ne peut poursuivre sur le chemin des Vivants, elle prend la décision de le quitter, exposition personnelle de Sarah Trouche, Rurart, 19 novembre 2021 au 16 février 2022. Lien
Pourrir dans un monde libre, exposition personnelle de Max Hooper Schneider, au MO.CO. Panacée, à Montpellier, du 12 février au 24 avril 2022. Lien
Devenir un autre animal, exposition collective au Domaine Départementale de Chamarande, du 26 mars au 18 septembre 2022. Lien
D’ombre et d’écume, exposition personnelle d’Elsa Guillaume, Musée de la Marine et ancienne école de médecine navale, Rochefort, du 6 février au 31 décembre 2022. Lien
Bathyskaphos, exposition personnelle d’Elsa Guillaume, Centre International de la Mer – Corderie Royale, Rochefort, du 5 février au 31 décembre 2022. Lien
Art Paris, du 7 au 10 avril 2022. Lien
Autres expositions à ne pas manquer :
Vanilla oxide, exposition de Bianca Bondi, Cap Saint Fons, du 29 janvier au 5 mars 2022
Su, de Mehmet Ali Uysal, au Bon Marché, rive gauche, Paris, du 8 janvier au 20 février 2022
Compost d’Isa Melsheimer au MAMAC de Nice, du 20 novembre 2021 au 27 février 2022
Paris 50-75, Frans Krajcberg, un brésilien à Montparnasse, Espace Krajcberg – centre d’art et de nature, Paris, du 15 décembre 2021 au 26 mars 2022
Deux ou trois, Cécile Beau et Bertrand Rigaud, galerie 22m482, Paris, du 8 janvier 2022 au 26 février 2022
What is the color of green?, Gabriela Albergaria, Bibliothèque Gulbenkian, Paris, Maison du Portugal, du 10 février au 9 avril 2022