Les indicateurs sur la santé de la planète sont au rouge. L’année 2022, marquée par les canicules, a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, preuve inéluctable d’un réchauffement climatique qui s’emballe. Face à ces enjeux, un nombre grandissant d’artistes s’interroge sur l’impact de leur création et constate que les matériaux employés (béton, verre, peinture acrylique, etc.), les techniques utilisées (fours, logiciels, etc.) ainsi que les modes de transport de leurs œuvres, se trouvent davantage du côté des causes de la crise écologique que des solutions. Dès 2009, l’ouvrage précurseur Long Horizons: An Exploration Of Art + Climate Change publié par Julie’s Bicycle abordait le sujet et partageait, entre autres, les confidences et les engagements d’Anthony Gormley : « Il est de ma responsabilité de gérer mes propres impacts, y compris l’empreinte carbone du studio et de toutes ses activités ». L’artiste avait déjà fait un bilan carbone, réduit le fret aérien, isolé son atelier, et s’apprêtait à installer des panneaux photovoltaïques sur le toit de son studio. Les bonnes pratiques des artistes s’accumulent depuis cette date, notamment sous l’impulsion de la COP21 à Paris : transport d’oeuvres d’Allemagne au Japon sans utiliser l’avion, réalisation de bilans carbone d’installations (Olafur Eliasson), exposition alimentée en énergie solaire (Julian Charrière).

Pour aller plus loin, l’éco-conception offre la méthode la plus adaptée et la plus exhaustive pour mesurer et réduire l’impact environnemental des pratiques artistiques et des oeuvres. L’éco-conception adresse l’ensemble du « cycle de vie » d’une oeuvre d’art en tenant compte d’un grand nombre de critères environnementaux (non seulement le climat, mais aussi la biodiversité, l’eau, les ressources, la santé humaine…). Pourtant, très peu d’artistes l’utilisent. Pourquoi ? Trois raisons expliquent cela : une vision des enjeux dominée par le réchauffement climatique, le coût de l’expertise en éco-conception et enfin l’absence de recherche et de cas pratiques en éco-conception dans le champ de l’art contemporain, cette méthode étant historiquement utilisée pour évaluer des produits industriels ou de consommation.

La France marque une avancée dans ce domaine. Après la foire d’Art Paris, qui a réalisé la première analyse du cycle de vie, le nouveau Prix Art Éco-Conception d’Art of Change 21* vise à promouvoir la culture et la pratique de l’éco-conception dans la création artistique et réunit pour la première fois des artistes et des experts. Il s’adresse aux plasticiens vivant en France et couvre l’ensemble des pratiques artistiques (sculpture, peinture, vidéo, digital, performance, photographie…). Le Prix Art Éco-Conception a récompensé le 10 janvier au Palais de Tokyo, 12 lauréates et lauréats parmi 278 candidats, désignés par un Jury prestigieux.


La récompense consiste en un accompagnement en éco-conception par des professionnels et experts reconnus et investis dans le secteur de l’art (Karbone Prod, Solinnen, Palais de Tokyo et Art of Change 21 ). De plus, deux artistes parmi eux bénéficient d’une Analyse de Cycle de Vie (ACV). Calculée par des ingénieurs en éco-conception, l’ACV apporte une évaluation scientifique complète de l’impact d’une création sur les principaux enjeux environnementaux. La récompense (l’accompagnement et les deux ACV) est d’une valeur de 40 000 €. Par ailleurs, à l’issue de leur accompagnement, les artistes recevront une gratification de 1000 €. Soutenu par la Maison Ruinart, le Prix Art Éco-Conception est organisé en partenariat avec le Palais de Tokyo. Il a pour partenaires institutionnels le ministère de la Culture et l’ADEME (Agence de la transition écologique) et est mécèné par Guerlain. 

Alice Audouin 

Impact Art News #41 – Décembre 2022 – Janvier 2023

Couverture : Les 12 lauréats du Prix Art Eco-conception , Pierre Clément, Raphaël Fabre, Pierre Gaignard, Agata Ingarden, Ángela Jiménez Durán, Eva Jospin, Ludivine Large-Bessette, Thomas LévyLasne, Louisa Marajo, Vincent Mauger, Théo Mercier, Manon Pretto (les deux lauréates de l’analyse de cycle de vie : Eva Jospin, Louisa Marajo) © Say Who – Valentin Lecron

*Éditrice d’Impact Art News