L’artiste et surfeur Olivier Millagou (né en 1974 à Toulon) installé à Bandol, France, partage sa philosophie de l’art en tant que pratique durable – alliant localisme, écologie et une approche frugale de la création.

Vous avez adopté un mode de vie et de création frugal, inspiré par votre passion pour le surf, comment est venu ce lien entre les deux ?

Le surf et l’art sont mes deux passions. Je les relie depuis ma sortie des Beaux-Arts de Marseille. J’utilise les principes du surf dans ma vie quotidienne et ma pratique artistique.
Avec le surf, on est confronté à un élément qui est beaucoup plus grand et plus fort que soi, et on apprend avec humilité à faire avec, jamais contre. Quand on partage une vague avec l’élément et qu’il nous accepte, c’est une joie intense, que je trouve aussi dans l’art. Quand il n’y a pas de vague, c’est pareil. On fait avec, on attend, c’est la nature qui décide, pas nous. Je fais exactement la même chose dans mon travail artistique : je n’ai volontairement pas d’atelier, je travaille chez moi ou sur la plage, je pratique beaucoup le dessin et l’écriture. Je classe mes idées, mes notes, et j’attends le projet qui va déclencher l’action. Dans ce cas je fonce, je pars piocher des ressources in situ, ce que je trouve sur la plage près de chez moi, ce qui me vient. Je ne suis pas un artisan, je ne cherche pas à l’être, à viser le geste parfait. La pratique d’atelier quotidienne n’a pas de sens pour moi, produire pour produire ne m’intéresse pas. C’est le projet qui mène à la production, sinon pour moi c’est du gaspillage.

Mon approche est toujours contextuelle et presque jamais personnelle. Elle démarre avec un lieu de résidence ou d’exposition et elle est intrinsèquement liée à lui, son volume et ses ressources. Je transforme souvent mes expositions personnelles en expositions collectives, le surf enseigne aussi ça, être moins dans l’égo et plus dans la relation. Selon les talents qui se joignent à moi, le catalogue devient une BD ou bien la musique s’invite dans l’exposition.

 

Olivier Millagou, Miki (2018), sculpture en planche de surf, résine, acrylique, fibre de verre, bois © Aurélien Mole, courtesy Galerie Sultana, Paris.

 

Vous défendez une production artistique en circuits courts, comment procédez-vous ?  

Je vis près de la mer, à Bandol, un petit village du Var, c’est un choix de vie, volontairement loin du centralisme artistique parisien. J’œuvre à une production réduite axée sur la valorisation d’un territoire. Ma production a toujours été axée sur un localisme, sur une recherche dans un périmètre réduit, que j’essaye de réduire de plus en plus depuis maintenant plus de 12 ans pour essayer de mettre encore plus en évidence ce principe du surf où l’on fait avec ce qui nous entoure. Cette réduction volontaire de production est pour moi une philosophie de vie.

Mes derniers travaux se sont beaucoup basés sur des déchets récoltés sur les plages ou encore sur des produits périmés récupérés dans des poubelles de magasins. J’utilise aussi dans mes sculptures des objets qui peuvent retourner à leur fonction après une installation, comme par exemple des pots de fleurs. Une fois l’exposition terminée, ils reviennent dans mon jardin. Si l’oeuvre doit se refaire, je reprends les pots et je recommence. J’ai fait des sculptures avec des planches de surf avec lesquelles je surfe encore aujourd’hui. J’essaye toujours de trouver une astuce pour que l’artefact puisse avoir une deuxième fonction. 

 

Olivier Millagou, à gauche : Sculpture périmée (Caniche) (2023), scellement chimique, et à droite : Varappe (2019), plâtre, sable, base en émail rose © courtesy Galerie Sultana, Paris.

 

Votre projet« Déplastification » conçu en duo avec le designer Antoine Boudin, est lauréat de la résidence artistique du Mas Baudran, sur le thème de la pollution, comment avez-vous conçu ce projet ? 

« Déplastification » est un projet conçu pour une nouvelle résidence sur le thème de la pollution initiée par le Mas Baudran à Arles, dont notre duo avec le designer toulonnais Antoine Boudin est lauréat. Notre objectif est de créer un emblème autour duquel tous ceux qui agissent pour l’environnement, y compris de manière simple au quotidien, puissent se retrouver. Avec l’aide du juriste Sébastien Mabile, co-fondateur de la résidence, on veut aussi faire entrer le terme de déplastification, qui nous semble primordial, dans le dictionnaire, comme le mot décarbonation vient de le faire. En parallèle, on a travaillé sur des objets, des artefacts, des accompagnements pédagogiques pour la Surfrider Foundation Europe, qui lutte contre la pollution des océans. L’idée, ce n’est pas tant de produire une œuvre d’art ou un objet de design mais plutôt un artefact, avec un rôle pédagogique.

Donc si on vient visiter votre atelier, on va aussi à la plage ? 

Oui, venez ! Je ne vous promets pas de visiter un atelier parce qu’il n’y en a pas, mais en tout cas, on pourrait déjeuner ensemble, boire un verre, aller surfer et ramasser des déchets !


Autrices :
Eliza Morris et Alice Audouin
September 2024

Traduction : Eliza Morris 

Plus d’information sur Olivier Millagou, représenté par la Galerie Sultana : ici

Couverture : Olivier Millagou © Art of Change 21 – Eliza Morris

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Impact Art News, Septembre – Octobre 2024, #50