L’éco-conception a pour origine l’analyse du cycle de vie, apparue dans les années 1970. Elle se définit officiellement comme : « L’intégration des caractéristiques environnementales dans la conception du produit en vue d’en améliorer la performance environnementale tout au long de son cycle de vie » (directive européenne éco-conception de 2009).

Autrement dit, l’éco-conception permet d’identifier et de mettre en œuvre, dans l’ensemble des activités humaines, les progrès qui permettront de réduire de façon très significative les impacts environnementaux. Produit de consommation, bâtiment, voyage, mais aussi spectacle, livre, tableau, galerie, tout est concerné.

La force de l’éco-conception, c’est de pouvoir agir tout au long du cycle de vie d’un objet ou d’un service, de sa conception en passant par sa production, son usage et sa fin de vie. Fin de vie ? On l’évitera pour un objet d’art ! Mais le but est de la supprimer dans le domaine industriel et de réaliser « le bouclage de la boucle », c’est-à-dire utiliser des biens en fin de vie pour en fabriquer de nouveaux (recyclage, surcyclage…). Le biomimétisme nous enseigne comment la nature recycle tout : dans la nature, rien ne se jette. Le but, c’est de faire comme elle.

L’étape de conception d’un objet ou d’un projet est le moment le plus efficace pour réduire son impact environnemental et faire des choix qui prennent en compte la production, l’usage et la fin de vie des produits, ainsi que les services rendus. Cela permet toutes les innovations. Parmi les axes de conception clés : réduire le poids. Plus c’est léger, moins cela consomme (en règle générale) de ressources et d’énergie. Un designer pionnier français, Thierry Kazazian publiait déjà en 2003 « Il y aura l’âge des choses légères » !

L’éco-conception utilise le principe de « service rendu » : par exemple, le service rendu « se déplacer en ville » va bien plus favoriser des solutions fondées sur des valeurs de partage, avec le covoiturage ou l’autopartage, que sur la possession individuelle, même d’une voiture légère. L’éco-conception porte souvent une dimension sociale positive !

Réduire, mais de combien ?

Si l’on se réfère aux gaz à effet de serre (GES pour les intimes) qui jouent un rôle majeur dans le réchauffement climatique, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) affirme qu’il faut les diviser par 6 d’ici 2050. Un facteur 6 ! Cela veut dire une baisse de 6% chaque année pendant 30 ans. En fait, l’éco-conception vise à répondre à l’urgence ! Et il n’est pas simple d’y répondre. Prendre conscience de l’ampleur nécessaire du changement – le facteur 6 – pousse à identifier, et à mettre en œuvre, dès que possible, l’ensemble des moyens « radicaux » de réduire notre empreinte environnementale, bien au-delà de l’amélioration continue des biens et services. Il faut sortir de sa zone de confort.

Quand peut-on se déclarer éco-conçu ?

Il ne suffit pas de suivre un « processus » d’éco-conception pour dire qu’un produit est éco-conçu (par exemple, un véhicule consommant 15 L aux 100 km pourrait se dire éco-conçu). Le Ministère de l’écologie, en France, a tranché dans son guide des allégations environnementales de 2010 : « L’allégation « éco-conçu » ne doit être utilisée que si l’organisation va significativement au-delà des exigences réglementaires ».

Dans l’art contemporain, où il n’y a pas d’exigences réglementaires, il va s’agir de considérer l’ensemble des étapes du cycle de vie de l’œuvre, depuis sa production jusqu’à sa fin de vie, en passant par la période d’exposition, de conservation, les transports, etc. Puis, identifier ce que chaque choix va engendrer comme impact environnemental, à chacune de ces étapes.

Exemple : l’installation « Ice Watch » d’Olafur Eliasson, présentée à Copenhague, Paris puis Londres lors de COP Climat.
La finalité était de mettre le grand public en contact physique avec la fonte de la banquise pour sensibiliser à la vitesse du réchauffement climatique. Le moyen : acheminer 12 blocs de glace flottant en zone arctique, s’étant préalablement décrochés de la banquise. Le studio a produit son installation en mesurant et en recherchant à chaque étape toutes les alternatives les moins polluantes. Finalement, l’installation londonienne a émis 40 tonnes de CO2 (même ordre de grandeur pour Paris), liés aux transports en camion et bateau, pour toucher des centaines de milliers de personnes en ligne (via les media et les publications du studio qui a partagé des informations du GIEC durant l’installation – le compte Instagram du studio compte 500 000 followers) et hors ligne (visites sur place). Cette installation est-elle éco-conçue ? Oui, car elle a optimisé chaque étape et a réparti ses impacts sur un grand nombre de visiteurs locaux. Pourtant, elle fut décriée comme étant non écologique et contradictoire, à savoir émettant du carbone pour dénoncer le carbone ! L’éco-conception doit aussi servir aussi à cela : débattre. Elle ne porte pas en elle le principe d’une œuvre d’art zéro CO2, mais vise à interroger la raison d’être d’une œuvre au regard de son impact. Se poser la question « cela en vaut-il la peine ? » ravive le principe de responsabilité face à l’action, l’éco-conception est donc aussi philosophique.

Alice Audouin et Philippe Osset (fondateur du cabinet d’éco-conception Solinnen)
RUBRIQUE EN PARTENARIAT AVEC LE CABINET SOLINNEN

Crédit : Alice Audouin (œuvre Ice Watch d’Olafur Eliasson, 2015)

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