Brésil : la forêt à la croisée des arts et des luttes

Au Brésil, le gouvernement musèle la lutte contre l’exploitation forestière illégale, l’élevage et l’agriculture intensifs, l’orpaillage illégal, l’exploitation minière, autant de sources d’agressions pour les forêts primaires et les êtres vivants qui les habitent, déjà fragilisés par le réchauffement climatique. Les artistes, tant du côté des peuples premiers qu’urbanisés, mettent en place une dynamique forte pour alerter et protéger les forêts.

Frans Krajcberg, artiste polonais rescapé de la Shoah et immigré au Brésil, aujourd’hui décédé, fut l’un des premiers à sculpter la destruction de la forêt amazonienne par le feu allumé par l’Homme (son engagement continue via l’Espace Frans Krajcberg à Paris).

Depuis les années 80, la plasticienne brésilienne Maria Thereza Alves mêle travail artistique et activisme politique en faveur de l’écologie et des peuples amérindiens au travers de nombreux projets, dont « To see the forest standing » dédié à promouvoir l’agroforesterie pour réparer des zones qui ont été fortement déforestées.

Les messages des amérindiens gagnent peu à peu en audience dans le champ de l’art. L’exposition « Véxoa: Nós sabemos » (Véxoa : nous savons) à la Pinacothèque de São Paulo qui se termine ce mois-ci expose 23 artistes amérindiens du Brésil. C’est une première pour ce musée de référence, de leur donner la parole à 100%. Ailton Krenak, artiste phare de l’exposition et leader de la lutte des peuples de la Forêt au Brésil, y prône un art activiste, visant à dénoncer les ravages de l’agrobusiness et du réchauffement climatique.

Crédits : Jaider Esbell, Árvore de todos os saberes, 2013, Pinacoteca de São Paulo / Debbie Symons, Labverde Residency, 2018

L’Amazonie et ses enjeux sont au cœur de la création d’une nouvelle biennale, AMA-ZONIA, conçue comme un événement international qui rassemblera des galeries d’art nationales et internationales et sera un lieu d’échange technique et scientifique. La première édition en 2021 a pour mission de sensibiliser à l’importance de la forêt amazonienne à travers l’art. Les projets tenteront d’attirer l’attention sur la richesse et la biodiversité de ce milieu.

Les explorations par les artistes de cette forêt mêlent des dimensions écologiques, sociales, scientifiques, politiques, notamment grâce à « LABVERDE: Art Immersion Program in the Amazon ». Né d’une question de fond, « Comment la culture peut aider à développer la justice environnementale pour l’Amazonie ? », ce projet art / nature / science organise chaque année des immersions dans la forêt amazonienne pour les artistes. Lucy+Jorge Orta, bénéficiaires de ce programme, ont ainsi enrichi leur série Amazonia, démarrée en 2008. 

Outre les artistes amérindiens, les artistes brésiliens se mobilisent pour sensibiliser sur la forêt amazonienne et soutenir des projets associatifs et locaux, de Roberto Burle Marx à Vik Muniz en passant par Oskar Metsavaht. De son côté, le photographe Sebastião Salgado a fondé avec son épouse l’Institut Terra, dans la vallée du Rio Doce au Brésil. Leur défi : faire renaitre la Mata Atlântica, l’autre grande forêt primaire brésilienne, moins connue que l’Amazonie, qui existait jadis dans le pays, en plantant 750 hectares d’arbres et sensibiliser les acteurs locaux à la protection de l’environnement. L’artiste dévoilera ses nouvelles photographies de l’Amazonie Brésilienne à la Philharmonie de Paris (du 7 avril au 22 août 2021).

 

Pauline Lisowski et Alice Audouin

 

Sources :

Espace Frans Krajcberg

Véxoa: Nós sabemos, Pinacothèque de São Paulo, Brésil, 31 octobre 2019 – 22 mars 2021

Biennale AMA-ZONIA

LABVERDE: Art Immersion Program in the Amazon

Salgado Amazonia, exposition de Sebastião Salgado, Philarmonie de Paris, 7 avril – 22 août 2021

Et aussi :

Ouvrages de Ailton Krenak : Idées pour retarder la fin du monde (Éditions Dehors, 2020), récemment sorti en portugais : La vie n’est pas utile et Notre lendemain n’est pas en vente (2020)

 

Mars 2021

Crédits : Archipel fluvial de Mariua, Rio Negro ©Sebastiao Salgado / Maria Thereza Alves, To See The Forest Standing, vue de l’installation aux Galeries Serpentine, gracieuseté de l’artiste

Retrouvez l’ensemble des articles d’Impact Art News n°28 – Mars 2021

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