Votre travail sensibilise aux effets de la mondialisation, notamment à ses conséquences sur l’environnement et l’urbanisation. Comment ces enjeux sont-ils apparus dans votre travail ?
Yin Xiuzhen : Dans les années 1990, avec la fin de la Guerre Froide, le monde est passé de la confrontation à l’intégration. L’essor d’internet et l’accès aux transports ont accru les échanges internationaux. Les voyages, le changement des milieux naturels et l’impact de l’urbanisation à grande échelle ont transformé la vie des gens. Cela m’a conduit à vouloir exprimer artistiquement ma propre compréhension de l’impact de la mondialisation. Mes œuvres « Washing the River »; et « Abandoned Capital », toutes deux réalisées dans les années 1990, portent justement sur les questions d’environnement et d’urbanisation. Depuis 2001, je travaille sur la série des villes portables « Portable City ». Lors de mes voyages dans les villes, je collecte des vêtements usagés ayant été portés par les habitants, ce qui me permet de me connecter à eux, à saisir leurs expériences de vie, leur quotidien. Je représente la ville et ses habitants à partir de ces vêtements que je couds dans une valise. Ces sculptures peuvent ainsi voyager. J’ai mené ce projet dans 43 villes à travers le monde. Chaque création est pour moi une communication entre la ville en question et le reste du monde. Grâce à ce travail, j’appréhende les différentes cultures et expériences de vie incarnées dans les vêtements que les gens portent. Ces habits sont multiples, ils sont à la fois des symboles de la mondialisation, de l’urbanisation, ils parlent aussi du climat, mais ils sont aussi des marqueurs de l’intimité et des émotions des personnes qui les ont portés.
Pourquoi avoir choisi le textile comme l’un de vos matériaux privilégiés ?
J’utilise une grande quantité de vêtements usagés comme matériaux dans mes créations. Bien que ce soient de simple vêtements, j’attache de l’importance aux éléments invisibles mais perceptibles qui leurs sont attachés. Je définis le vêtement comme la « seconde peau des humains » – il est une de nos « peaux sociales ». Il fait le lien cette peau sociale et les tissus fabriqués, il témoigne de la division internationale du travail, des influences esthétiques, etc. Un vêtement dit beaucoup de choses sur la personne qui l’a porté, sa corpulence, son sexe, son âge, son style et son niveau de vie, tout ceci se communique via le vêtement. Une fois usagés, les vêtements incarnent les expériences, les souvenirs et les valeurs des individus à qui ils appartenaient. Ils racontent une histoire invisible du temps où ils étaient portés. Les textiles donnent forme à mon travail, mais c’est l’âme de ces textiles qui transmet ma compréhension du monde.
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Vos interventions sont souvent participatives – par exemple, pour « Washing the River » (1995) vous avez invité le public à nettoyer un bloc de glace d’eau polluée – et immersives – « Collective Subconscious » 2007, « Thought » 2009). Pourquoi ces dimensions sont-elles importantes pour vous ?
L’élément humain est crucial, nous avons besoin de nous soutenir, de communiquer et de coexister les uns avec les autres. J’ai l’espoir que mes œuvres puissent nous unir de manière artistique, et permettre au public de s’ouvrir à d’autres dimensions que visuelles.
Comment votre travail est-il reçu en Chine ?
De grands changements ont lieu en Chine depuis les années 1990 et l’acceptation de l’art contemporain a radicalement évolué. A chaque exposition, je reçois toujours beaucoup de soutien et les visiteurs sont nombreux. La population est de plus en plus sensible à la protection de l’environnement, la participation à la transformation environnementale et sociale est en constante progression. Par ailleurs, l’influence de l’art contemporain sur le public ne cesse d’augmenter.
Comment définiriez-vous votre rôle en tant qu’artiste – si un artiste devait en avoir un ?
Chacun d’entre nous poursuit un sens et a un rôle différent, cette diversité a une grande valeur. En tant qu’artiste, notre rôle est de raconter cette diversité en enrichissant chaque histoire. Les artistes sont reconnus pour leur créativité et leur liberté artistique, mais la bonté, la tolérance et la responsabilité envers la société ont tout autant d’importance.
Dans quelles problématiques contemporaines êtes-vous la plus engagée en ce moment ?
Comment le monde, divisé autour des valeurs différentes qui ont été exacerbées par la pandémie, peut retrouver sa liberté. Comment trouver des solutions pratiques aux enjeux environnementaux et au réchauffement climatique.
Quels sont vos projets à venir?
Je prépare actuellement une exposition personnelle au Musée du verre de Shanghai.
Conversation avec Alice Audouin & Lou Anmella-de Montalembert
Avec l’aide de la Pace Gallery
En partenariat avec ACA Project
(traduit de l’anglais lui-même traduit du chinois)
Novembre 2021
Crédit :
Portrait, courtesy of the artist.
Yin Xiuzhen, « Portable City, Shanghai », 2002 – Courtesy : PACE Gallery
Yin Xiuzhen, « Thought », 2009 – Courtesy : PACE gallery
Yin Xiuzhen, « Washing river », 1995 – Courtesy : PACE gallery
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