L’artiste français Xavier Veilhan rejoint le cercle des artistes de notoriété mondiale, tels que Antony Gormley, Olafur Eliasson ou Tomas Saraceno, concerné par le réchauffement climatique et à la recherche d’alternatives au transport par avion, la plus grande source d’émission carbone liée à leur activité. 

Dans un contexte où la crise climatique s’aggrave, Xavier Veilhan, représenté de Stockholm à Séoul en passant par New York et Hong Kong par les galeries Andréhn-Schiptjenko, Perrotin, Nara Roesler et 313 Art Project, remet aujourd’hui en cause trente ans de pratique et s’efforce de poursuivre sa carrière internationale dans une démarche plus respectueuse de l’environnement. 

Son exposition personnelle « Crop Top » qui s‘est tenue du 22 février au 6 avril 2024 à la galerie Andréhn-Schiptjenko de Stockholm, a été l’occasion pour l’artiste passionné de voile d’expérimenter le bateau à voile comme nouveau mode de transport des oeuvres et des membres du studio.

Ne trouvant pas de bateau de location en France à cette période de l’année, l’artiste, la directrice de son studio Anne Becker et le chargé de production Sven Bajeat ont embarqué à Grossenbrode en Allemagne sur un bateau Hanse 460 avec les skippers Nicolas Pichelin et Anne-Laure Monroche à la barre et traversé la mer baltique. L’emballage des œuvres a dû être repensé pour le bateau. Les caisses en bois habituelles, présentant un risque pour la coque en cas de choc, ont été abandonnées au profit d’emballages sous vide et en carton. Les assureurs de transport d’art ne souhaitant pas assurer ce type de transport, les œuvres ont été assurées sur la base de leur coût de production. 

Photo © Atelier Xavier Veilhan

Le bateau est resté amarré une semaine à Stockholm, devenant une sorte d’annexe de la galerie, un lieu inédit à l’écart du marché de l’art, ouvrant à des échanges moins balisés avec des journalistes ou des collectionneurs. L’équipe a ensuite navigué six jours pour le retour. Au total, près de trois semaines ont été mobilisées. 

Xavier Veilhan a aussi pris en charge le surcoût du projet, le transport par voilier ayant coûté cinq fois plus cher qu’un transport en avion. La vente d’une œuvre auprès d’un collectionneur complice de longue date a permis de trouver les fonds nécessaires. 

L’artiste ne s’est pas contenté de vivre ce voyage comme un simple geste environnemental, il a exploré ce qu’il pouvait lui apporter sur un plan créatif. Il a ainsi conçu une « machine à dessiner » pour le bateau et a recherché volontairement l’influence du temps long ou du vent sur sa création. Pour lui, « Ces nouvelles contraintes engendrent un nouveau cadre de production et d’apparition des œuvres. Les notions de vitesse et de productivité sont rejouées par ce mode de déplacement qui laisse une part à l’aléatoire. »

Ce galop d’essai réussi, pour lequel il a créé le hashtag #WindPoweredExhibitions, Xavier Veilhan vise déjà plus loin, avec un bateau plus grand et plus rapide, vers des destinations plus lointaines encore comme New-York et Rio de Janeiro. Soucieux d’être rentré à vide de Stockholm, tandis que d’autres biens auraient pu être acheminés, l’artiste appelle de ses voeux un système de frêt partagé, dédié aux transport des œuvres, mais ouvert également à d’autres marchandises. 

Photo © Atelier Xavier Veilhan

Tel Georges Perec qui s’imposait la suppression d’une lettre dans La disparition, Xavier Veilhan estime que se fixer des contraintes peut être une chance et que les questions environnementales sont de bonnes raisons pour se retrouver dans certaines situations inédites et créatives. Selon lui, « On peut imaginer que le mode de transport devienne partie intégrante du processus de création. Il influence la conception et la création des œuvres qui doivent répondre à des contraintes qui ne sont plus celles du transport par avion.»

Conscient de l’impact carbone de sa carrière d’artiste international et par ailleurs père de trois enfants concernés par l’environnement, Xavier Veilhan change sa pratique et pas seulement sous l’angle du carbone. Ayant déjà abandonné l’utilisation des résines polluantes et cherchant à réduire l’impact relatif à tous les aspects de son activité, il explore les alternatives proposées par l’experte en éco-conception Fanny Legros du cabinet Karbone Prod, analyses de cycle de vie à l’appui. Pour elle, « Tout le monde devrait prendre exemple sur l’atelier Xavier Veilhan. »


Vue de l’exposition « Crop Top », Galerie Andréhn-Schiptjenko, Stockholm, Photo © Atelier Xavier Veilhan


Alice Audouin et Sana Tekaïa

Mai 2024

En savoir plus sur Xavier Veilhan

Couverture : © Studio Xavier Veilhan

Impact Art News, Mars-Mai 2024 #48

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