Cette question générale est le fil conducteur de cette nouvelle rubrique, qui vise à comprendre et réduire ces impacts.
Pour démarrer, voici une première approche de ces impacts, qui se répartissent tout au long du « cycle de vie » d’une œuvre, de sa conception à sa fabrication, puis lors de son exposition, de sa conservation, et s’il y en a une, de sa fin de vie. Seule une vue d’ensemble permet d’identifier où sont les principaux impacts.
Une œuvre souvent exposée et transportée en camion ou avion, va engendrer du fait de son transport de l’effet de serre, donc contribuer au réchauffement climatique, ce qui porte aussi atteinte à la biodiversité, donc aux forêts.
Repère : un Paris-Tokyo en avion de 13 000 km d’une personne peut équivaloir à toutes les émissions d’une année de la même personne avec sa voiture individuelle.
Une œuvre en verre faisant partie d’une exposition permanente d’un musée, contribue elle aussi au réchauffement climatique du fait cette fois de la consommation d’énergie nécessaire à la fabrication du verre.
Repère : une durée de vie longue de certains objets, dont l’impact se situe essentiellement à la fabrication, permet d’amortir les impacts de sa fabrication. Récupérer et réemployer les ressources utilisées en fin de vie évite ainsi autant d’épuisement de nouvelles ressources. Pour le verre (qui peut durer 3000 ans) c’est une équation gagnante.
Une œuvre peut comprendre des rejets de substances chimiques dans l’air intérieur (issues par exemple de solvants ou de fluidifiants…) pouvant intoxiquer les personnes qui vivent avec l’œuvre, ainsi que l’artiste qui les a manipulées dans son atelier. Ici l’impact relève de l’éco-toxicité, avec un enjeu majeur pour la santé humaine.
Une œuvre en extérieur, dont le revêtement émet des produits toxiques du fait du ruissellement de l’eau de pluie (ces produits étant entraînés vers les rivières) aura un impact sur l’eau engendré par l’exposition de l’œuvre, ce qui aura des conséquences à la fois sur les écosystèmes, mais également à terme sur la santé humaine.
Repère : quelques milligrammes de substances toxiques peuvent polluer des dizaines de milliers de litres d’eau. Les stations de traitement de l’eau ont du mal à être efficaces sur les micro-polluants… qu’on retrouve donc dans l’eau potable dans la ville qui suit celle où l’œuvre est exposée.
Comme vous le voyez, les impacts sont différents d’une œuvre à l’autre, répartis différemment le long du cycle de vie, et ils ont en commun de ne pas être générés directement par l’œuvre elle-même.
Repère : on constate dans ce panorama que le transport des œuvres n’est pas forcément à l’origine du plus grand impact. Au sein de nombreux cycles de vie de produits de consommation courante, il ne représente généralement que 10% de l’impact. Ce n’est donc que si l’on fait voyager souvent une œuvre, et loin, que son impact va significativement augmenter.
Et le digital ? La COVID-19 ayant considérablement accéléré le digital, tout un ensemble d’impacts sont en jeu, engendrés par le système digital complet, à la fois par les usages énergétiques, que par les usages de métaux rares. Une chose est sûre, une œuvre digitale n’a pas forcément moins d’impact qu’une œuvre réelle.
Imaginons enfin une œuvre qui, bien que présentant des impacts environnementaux, comme toutes les œuvres, engendre, par son exposition ou sa diffusion, une prise de conscience écologique auprès de son public induisant une réduction d’impacts… la somme des influences positives pourrait ainsi se trouver supérieure à son impact négatif.
Repère : la nature immatérielle de l’impact environnemental d’une œuvre est un nouveau champ des cultural studies. Ce regard sociologique est tout aussi important que les chiffres précis issus d’études des cas, afin de penser la question de l’impact dans sa globalité.
Les impacts peuvent être réduits par les choix de conception de l’artiste. Lorsque ces choix tiennent compte de l’environnement afin de réduire les impacts le long de l’ensemble du cycle de vie de l’œuvre, on pourra dire que l’œuvre est éco-conçue.
L’éco-conception est une pratique fondée sur des normes de bonnes pratiques, à commencer par ISO 14044 sur l’Analyse du Cycle de Vie, supportée par des bases de données environnementales, incluant notamment la quantification des impacts sur les ressources, sur l’air, l’eau, les sols… et plus largement sur la biodiversité et l’homme en particulier.
Vous en saurez justement plus sur l’éco-conception dans le prochain numéro d’Impact Art News !
Alice Audouin et Philippe Osset (fondateur du cabinet d’éco-conception Solinenn)
Photo: Journées des métiers d’art
Retrouvez l’ensemble des articles d’Impact Art News n°20 – Juin 2020
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