Une nouvelle génération d’artistes engagés dans l’environnement émerge en France.
Notre équipe éditoriale propose d’explorer quatre grandes tendances au sein de cette jeune scène engagée, à partir des 21 lauréats du soutien Planète Art Solidaire remis par Art of Change 21 (éditeur de ce blog) avec le mécénat de la Maison Ruinart.
Voir aussi les autres tendances :
Les Nouveaux Druides
Les Auxiliaires Scientifiques
Les Anthropologues du Bien Commun
La confrontation actuelle de deux temporalités opposées, celle des humains, linéaire, et celle de Gaïa, circulaire, pose des arbitrages inédits dans l’histoire de l’humanité. Dans ce jeu à part inégale, le « mode de vie occidental » continue sa progression en dépit des limites planétaires déjà atteintes : épuisement de certaines ressources, réchauffement climatique, chute de la biodiversité… Une nouvelle vague de jeunes artistes s’empare de ces deux mondes et investit ce temps suspendu, au carrefour des différents scenarii auxquels l’humain est désormais confronté, des plus pessimistes aux plus optimistes. Les artistes reprennent l’ancien débat « homme-nature » pour en démontrer l’obsolescence et prôner un vivre ensemble élargi. En supprimant ou jouant avec la frontière entre ces deux univers, ils explorent un futur à la fois post-nature et post-humain.
Lucie Douriaud s’intéresse aux paysages affectés par les activités humaines qu’elle explore par le prisme des relations biomorphiques entre le vivant et l’industrie. Sa série de sculptures S(oil), faites d’un mélange de plâtre et de plastiques recyclés broyés, révèle un paysage texan mêlant forages pétroliers et désert, et interroge l’avenir du sol planétaire industriel. Portant une réflexion critique sur la question écologique et les moyens de repenser la coexistence de l’homme et de la nature, elle mène actuellement un projet sur les terres rares, inspiré par l’enquête de Guillaume Pitron.
Marie Ouazzani et Nicolas Carrier explorent les territoires urbains en mutation et envisagent l’impact de la crise écologique en cours sur leurs habitants, vivants et non-vivants. Leurs installations et vidéos inventent de nouvelles formes de résistance à l’urbanisation et repensent notre manière d’habiter la planète. Leur nouveau projet suit le parcours de plantes tropicales reliées à des ports de villes européennes. Chaque plante permet d’évoquer en creux la place de la ville dans la globalisation et aussi d’imaginer sa capacité de résistance à la crise climatique.
Formée en tant qu’agronome, Elvia Teotski place son attention à la lisière des activités humaines, à ses empreintes, en s’intéressant aux états fragiles et vulnérables sur un plan écologique. Sa démarche repose sur des enquêtes de terrain, qu’elle arpente, observe, analyse. Parmi ses projets figure un film devant être tourné au Mexique, sur des formes de « recolonisation » des ruines méso-américaines par les abeilles et autres présences non humaines.
En recréant du « vivant » à partir de matériaux synthétiques, Jonathan Bréchignac questionne la frontière entre naturel et artificiel ainsi que le rapport de notre époque au vivant. Sa nouvelle installation, Svalbard Petri, fait référence à la réserve mondiale de semences du Svalbard, sur l’île norvégienne du Spitzberg.
Le projet de film Les Effaroucheurs d’Anne-Charlotte Finel consiste à filmer dans l’aéroport d’Orly les « effaroucheurs », ces personnes chargées de guetter les oiseaux afin d’éviter toute collision lors de l’atterrissage et le décollage des avions. Leur but n’est pas de les supprimer, mais de gérer une cohabitation.
Théo Massoulier développe un travail de sculpture, d’installation et de vidéo autour des questions de l’anthropocène et du concept d’entropie. Il dégage de la cosmologie, les sciences de l’évolution, l’archéologie et la philosophie des formes mutantes du déclin de nos sociétés et procède à de minutieux assemblages hétéroclites, à partir d’éléments, végétaux et artefacts ou rebuts de le technè humaine, comme sa série Anthropic Combinations of Entropic Elements en témoigne, avec plus de soixante-dix assemblages.
Alice Audouin et Pauline Lisowski
Juin 2021
Crédits photos:
Elvia Teotski, Hors sol, installation évolutive, gazon sur agar-gar, matériaux de récupération, dimensions variables, détail et vue de l’exposition « La lente infusion des pierres ou alors les dragons », 2018, ©Amandine Capion / Jonathan Bréchignac, Alien Rocks, sculptures – pierres, moulage de pierre en résine, peinture à effets, résine époxy – dimensions variables, 2020 / Anne-Charlotte Finel, Gerridae, musique de Voiski , HD, couleur, 4’11’’, 2020 / Théo Massoulier, Tiges Ultra Boost, installation, végétaux, fragments de déchets plastiques et électroniques, minéraux, eau, peinture, lumière, vidéo, dimensions variables, 2019, ©IAC – Blaise Adilon / Lucie Douriaud, rn 437, Km 154, moulage, plâtre, huile de moteur 200 x 100 x 44 cm, 2017 / Marie Ouazzani et Nicolas Carrier, Invasive Passengers, thermos en libre-service, infusions, textes, briques, plantes, œuvre produite par Catalyst Arts, 2019, courtesy of the artists
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