L’artiste plasticien Olivier Millagou a opté pour un mode de vie frugal en bord de mer, près de Toulon, volontairement loin du centralisme artistique parisien. Son exposition personnelle Free and Easy dont le titre est inspiré d’un ancien film de surf, son autre passion, semble à première vue incarner la branchitude parisienne adepte de feel good et de vintage. Elle s’impose pourtant une démonstration exigeante d’un mode de création écologique, à voir jusqu’au 11 octobre 2025 à la galerie Sultana à Paris.
L’artiste a créé l’ensemble des œuvres de cette exposition dans un principe d’économie de moyens, dont il montre le potentiel poétique. Free and Easy défend des valeurs chères à l’artiste, que sont « la sobriété, en limitant la consommation de matières premières et d’énergie ainsi que le nombre de gestes, la circularité, en réutilisant des déchets de production et des matériaux en fin de vie, ainsi que l’inclusivité en célébrant une culture accessible à tous les publics. »
Millagou a tenu à éviter l’extraction de nouvelles ressources ainsi que l’enfouissement ou l’incinération de déchets. Pour cela, il a non seulement utilisé uniquement des déchets, mais il a choisi d’adapter le nombre d’œuvres produites et présentées à la quantité de déchets dont il disposait. Ainsi dans cette exposition, le nombre de sculptures de la série « Réemploi » s’arrête à 9, et celui des peintures de la série « Peintures Périmées » à 7.
Les principaux matériaux utilisés pour l’exposition, de la mousse PE polyéthylène et de l’aluminium (qui ne sont pas écologiques en soi), sont les restes d’une commande 1% artistique pour l’Université de Lyon à Villeurbanne, elle-même réalisée par l’artiste avec les déchets d’un chantier de construction d’un bâtiment.
Les initiatives écologiques durant la production des œuvres
Pour la fonte des sculptures de la série « Réemploi », l’aluminium provient de créations antérieures représentant différentes formes d’oiseaux. Pour ces nouvelles sculptures, l’artiste a assemblé les contours restants des oeuvres, ce qui donne aux anciens oiseaux une présence subtile, qui ne se perçoit pas au premier regard. La cire perdue a été remplacée par de la mousse PE polyéthylène récupérée. Les fontes ont été faites dans des caisses en bois récupérées d’une scénographie d’un musée. Le sable utilisé pour faire le moule a été réutilisé pour toutes les sculptures, et servira pour d’autres ultérieurement. La face arrière des sculptures est brute de fonderie, la face avant est meulée, poncée et polie le plus simplement possible. Les sculptures ne sont pas monumentales mais de petite taille, afin d’être facilement transportables.
Les matériaux qui composent la série de peintures « Peintures Périmées », sont de la colle polyuréthane périmée et des fonds de tubes de peinture acrylique. Les moules en silicones périmés sont les mêmes qui ont été utilisés lors de l’exposition précédente. Ces matériaux périmés sont récoltés dans des poubelles ou auprès d’artisans. Les visages et regards peints sont pensés à hauteur d’homme, telles des vigies ou des anges attentifs aux visiteurs.
L’ensemble de ces œuvres ont été créées dans un atelier partagé à Marseille, où l’artiste s’est rendu en train depuis son domicile.
Une action qui continue à l’échelle de l’exposition
Concernant l’exposition, les œuvres ont d’abord été transportées en train par l’artiste de l’atelier de Marseille à Bandol. Elles ont ensuite été acheminées de Bandol à Paris en train également, dans les valises d’amis venus en vacances (dans les bagages, sans caisses, simplement enveloppées dans un vêtement).
Pour la scénographie de l’exposition, les socles sont issus des expositions précédentes de la galerie.
Le titre et les éléments graphiques de l’exposition sont empruntés à un film de surf, là aussi, dans le principe d’utiliser et valoriser l’existant.
En cas d’acquisition et de livraison, l’avion sera évité et aucune caisse sera utilisée pour le transport, les œuvres seront emballées avec des couvertures de déménagement récupérées.
Ce mode de pensée et de production n’est pas nouveau chez l’artiste, inspiré de sa pratique du surf qui, pour lui, enseigne l’humilité et la sobriété. Il confiait à Art of Change 21 en novembre dernier son souhait d’aller vers une production plus réduite : « Ma production a toujours été axée sur un localisme, sur une recherche dans un périmètre réduit, que j’essaye de réduire de plus en plus depuis maintenant plus de 12 ans pour essayer de mettre encore plus en évidence ce principe du surf où l’on fait avec ce qui nous entoure. Cette réduction volontaire de production est pour moi une philosophie de vie. »
L’artiste, finaliste en 2024 et 2025 du Prix Art Eco-Conception d’Art of Change 21, est parallèlement impliqué sur un projet qui vise à faire de la « déplastification » un projet mobilisateur comparable à celui de la décarbonation, avec son complice et ami l’éco-designer toulonnais Mathieu Boudin.
La galerie Sultana, engagée de longue sur des enjeux sociétaux sous l’impulsion de son fondateur Guillaume Sultana, n’en est pas à son premier engagement sur le thème environnemental.
La galerie prépare le second volet d’une exposition manifeste sur le thème des déchets avec l’artiste et designer Harry Nuriev, c’est le moment de venir y déposer les vôtres !
Free and Easy
Olivier Millagou
6 Sep – 11 Oct 2025
Galerie Sultana
75 rue Beaubourg
75003, Paris
Lire ici l’interview d’Olivier Millagou avec Art of Change 21, novembre 2024, par Alice Audouin et Eliza Morris
Art of Change 21 Journal
(ex Impact Art News)
Septembre 2025
Autrice : Alice Audouin
Images : @artofchange21 @oliviermillagou @galeriesultana