Spécial Art & Forêts : portrait de Sara Favriau

Sara Favriau, née en 1983, décale les échelles, les symboles et les objets, souvent avec humour et fait jaillir le sens de rencontres fortuites, parfois accidentelles. Si l’arbre occupe une place importante dans ce jeu de hasard, il intéresse également l’artiste par sa triple temporalité, articulant le passé, le présent et le futur. Engagée sur les enjeux climatiques et écologiques, Sara Favriau comprend aussi la forêt comme un puits carbone précieux, un bien commun de l’humanité. 

L’artiste mène actuellement un projet au long cours d’enforestation qui a pour titre « Je vois trouble, longuement, un paysage transitoire », en collaboration avec l’unité de recherche « Écologie des forêts méditerranéennes » de l’INRAE Avignon, qui travaille sur les effets du changement climatique et de la gestion forestière sur le fonctionnement des arbres et des forêts. Leurs sites d’observation de Font-Blanche et du Mont Ventoux deviennent aujourd’hui les lieux d’immersion et de création de l’artiste. Elle se frotte non seulement au terrain, mais à la complexité des enjeux à la fois climatiques, écologiques, socio-économiques et sensibles liés à la forêt, pour contribuer à une prise de conscience. Ce projet art-science livrera ses résultats de recherche sous une forme poétique et sensible : sculpture, performance, pièce de théâtre, film… en collaboration avec des chorégraphes, scientifiques, musiciens et sortira la forêt de son ornière, avec, par exemple, un arbre-pirogue qui partira en mer…

« Les forêts sont au carrefour de multiples enjeux, climatiques, écologiques, socio-économiques et sensibles, à la fois contradictoires et complexes. Elles rassemblent aussi des acteurs très divers, scientifiques, forestiers, industriels, écologistes, zadistes… Ma recherche artistique se situe justement à cette intersection, dans ces zones troubles ou grises, loin d’une vision duale ou binaire, en noir ou blanc. Je crois que l’art, sa diffusion, peut être un puissant levier afin de valoriser la recherche et les phénomènes naturels. J’ai le désir de créer des œuvres optimistes, un élan pour construire un imaginaire nouveau : l’arbre, la forêt, en deviennent la clef de voûte », confie Sara Favriau.

« Cairn ou le Cercle vertueux » est l’une des premières créations nées de ce projet de recherche. Il s’agit d’une installation de grumes (des arbres dépéris de mort « naturelle ») de Pins d’Alep sculptés. Le Pin d’Alep est une espèce endémique de la région méditerranéenne qui est aussi un marqueur biologique. L’effet du réchauffement climatique se traduit chez lui par d’importantes modifications phénologiques, notamment en terme de croissance. Les arbres sélectionnés dans la forêt de Font-Blanche en collaboration avec l’INRAE Avignon et l’ONF, ont été sculptés puis installés dans le lieu prévu pour l’exposition, le pigeonnier du parc de la Villa Noailles, à Hyères… puis le confinement est arrivé, stoppant la production. Les parasites qui habitaient déjà leurs hôtes, ont proliféré ́et continué de dévorer les Pins d’Alep, durant les deux mois de paralysie. Les traces gloutonnes des colonies et de nouveaux habitats ont jailli de l’écorce silencieuse, donnant à cet épisode accidentel une accélération naturelle. 

 

Alice Audouin

 

En savoir plus : sarafavriau.com

 

Sara Favriau a été sélectionnée et interviewée dans le cadre d’une collaboration spécifique entre Alice Audouin et l’ONF, pour la Journée Internationale des Forêts 2021 (voir ici).

 

Mars 2021

Retrouvez l’ensemble des articles d’Impact Art News n°28 – Mars 2021

S’abonner à Impact Art News (gratuit) : ici

Divers|