L’artiste digital irlandais John Gerrard lance Crystalline Work (Arctic), une œuvre d’art numérique qui se déploie sur une année et dont la vente soutient le projet Hometree de reforestation en Irlande. Présentée pour la première fois sur la plateforme d’art en ligne Feral File, cette œuvre fait appel à la blockchain Ethereum qui présente une avancée en matière d’impact écologique du digital. 

John Gerrard explore depuis de nombreuses années les sujets environnementaux à travers son art numérique. Il crée des mondes virtuels dynamiques où se mêlent éléments naturels et simulations. Certaines de ses œuvres, comme Western Flag (Spindletop, Texas) en 2017 ou encore Flare (Oceania) présentée lors de la COP 26 en 2021, sont programmées pour suivre le cycle du soleil et des saisons. 

Avec sa nouvelle œuvre Crystalline Work (Arctic), il représente à l’aide du numérique les structures cristallines de la glace arctique. Son œuvre dévoile un paysage austère représentant un pôle Nord virtuel où un système robotique s’anime pour créer une structure complexe sur une terre aride, 24 fois par jour solaire. Au cours de l’année, cette œuvre verra ainsi le robot créer 8 760 pièces uniques évoluant au gré des saisons. Chaque œuvre ou “archétype”, suit des motifs naturels de croix solaires, d’étoiles, d’arbres, de flocons de neige ou encore de mycélium.

Crystalline Work (Arctic), qui génère une oeuvre par heure, a également pour but de “régénérer l’environnement” en reversant 25 % de ses recettes à Hometree, une organisation caritative pour la restauration d’une forêt pluviale tempérée de 1600 hectares dans l’Irlande natale de Gerrard. Chaque jour de la performance du robot permettra ainsi de planter 33 arbres, pour un total de 12 045 arbres plantés à la fin de l’année. 

L’œuvre d’art a été présentée pour la première fois le 20 juin 2024 en tant qu’exposition personnelle de l’artiste sur la plateforme d’art numérique Feral File. Utilisant la blockchain Ethereum pour “tokeniser” l’œuvre, les droits de propriété sont encodés numériquement. Certaines blockchains ont un impact environnemental négatif massif en raison de la grande consommation d’énergie des transactions NFT quotidiennes. De plus, la création d’images par intelligence artificielle (IA) produit beaucoup de CO2 à cause de ses processus énergivores. Conscient de l’enjeu déterminant que représente ce choix sur l’impact environnemental, Gerrard montre la possibilité d’être plus responsables dans le choix d’une blockchain moins énergivore et montre ainsi comment l’art numérique peut servir de plateforme pour soutenir la conservation de la nature. Ethereum, en ayant depuis 2022 pour protocole de sécurité “proof of stake” est bien moins consommatrice que la plupart des blockchains tel que le bitcoin qui utilise le protocole “proof of work” ce qui réduit la consommation totale d’énergie de sa base de données de 99,95 %. Ceci réduit considérablement l’énergie nécessaire pour acheter un “archétype”, désormais l’équivalent d’un post sur X. Au moment de la sortie de son oeuvre, la consommation d’Ethereum est estimée à 664,21 kW (équivalent à un générateur diesel) tandis que le Bitcoin représentait l’équivalent d’environ 23500 générateurs diesel fonctionnant simultanément.

John Gerrard, Crystalline Work (Arctic), 2024, simulation (left)
Gerrard with Hometree reforestation charity, Connemara, Ireland, 2024 (right). Courtesy of the artist.


Notons actuellement un autre dispositif artistique et digital novateur permettant de financer la conservation de la forêt, ici la forêt équatorienne. Calls for Action (2024) de l’artiste Julian Charrière, inaugurée lors d’Art Basel, est installée sur un écran géant au coeur de la ville de Bâle, ainsi que dans l’exposition I Feel the Earth Whisper au Musée Frieder Burda (voir ici). 100 % des sommes collectées via la vente d’une édition spéciale avec la Fondation Beyeler sont reversées au projet de conservation et l’artiste y contribue également par un don personnel important.
Cette initiative, comme Crystalline Work (Arctic) de John Gerrard, illustre une tendance montante dans le monde de l’art contemporain, celle d’une action directe par l’intégration de la technologie au service des projets de conservation et de soutien à l’environnement.

* Exposition d’Art of Change 21

Plus d’information sur John Gerrard

Feral File, ‘Crystalline Work (Arctic), John Gerrard’, 2024 <https://feralfile.com/exhibitions/crystalline-work-5ze>
Julian Charrière, ‘Calls for Action, Live Feed’, 2024 <https://callsforaction.net/>

Auteure : Eliza Morris

Traduction : Sana Tekaïa

Cover: © John Gerrard, Crystalline Work (Arctic), 2024, simulation

Impact Art News, June-July 2024 #49
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