Bandjoun Station est un projet artistique, agricole et politique de longue haleine, démarré en 2005 par l’artiste contemporain Barthélémy Toguo à Bandjoun au Cameroun. Sa mission ? Développer l’éducation et l’accès à l’art, promouvoir l’agriculture biologique et l’autonomie alimentaire, exposer art classique africain et art contemporain « sans hiérarchie de valeurs » et relier traditions séculaires et défis contemporains. Bandjoun Station réunit des résidences d’artistes, des espaces d’exposition, une bibliothèque et des terres cultivables, au sein d’une architecture singulière et joyeuse, construite par les artisans locaux, communiquant son énergie créatrice par des mosaïques éclatantes.
Situé à 300 km de Douala ou Yaoundé, Bandjoun Station est l’utopie auto-réalisatrice d’un artiste de renommé mondiale porté par un sens du devoir en tant qu’africain de la diaspora qui « doit apporter sa pierre à l’édifice et au développement du continent Africain. » L’artiste fondateur défend l’art comme moyen de développement et écrit : « (…) nous Africains ne pouvons-nous offrir ‘le luxe’ de capituler, de geindre et d’attendre. Il est primordial que nous imaginions NOUS–MÊMES nos solutions dans tous les domaines (agricole, sanitaire, économique, social, culturel, politique, éducatif, sportif…) ».
La Station accueille en résidence de nombreux artistes mais aussi des poètes, musiciens, danseurs, parmi ces résidents figurent Jean David Knot (2016), Ruth Belinga (2018), Samuel Gelas & Beliza Troupe (2019)…
Elle compte à son actif près de dix expositions, dont « Women power » qui a donné un coup de projecteur en 2018 sur 60 femmes artistes, journalistes, activistes et entrepreneuses, « Behind the Portal » (2017), « Dialogue(s) » (2016)… La dernière exposition en date, « Retours à l’Afrique » (novembre 2019 – juin 2020) réunissait plus de 30 artistes, dont Leila Alaoui, Kader Attia, William Kentridge (commissaire de l’exposition : Androula Michael assité de Emmanuelle Raingeval et programmations de Gabrielle Badjeck et Salifou Lindou).
L’activité agricole joue un rôle croissant dans le projet et s’érige comme un contre-pouvoir face à la mainmise des multinationales sur les ressources locales. Les terres de Bandjoun Station sont destinées à la culture de café, denrée d’ordinaire inaccessible aux population locales du fait du prix exorbitant imposé par les pays occidentaux. Son prix est fixé par Bandjoun Station. Les terres sont également dédiées aux cultures de haricots rouges et maïs biologiques, deux légumineuses importantes dans les habitudes alimentaires camerounaises. Ces produits agricoles sont promus hors d’Afrique lors d’évènements et expositions (on se souvient de la « Mobile Cafeteria » à la Fiac, à 1.54… ) qui permettent à l’artiste d’aborder les inégalités persistantes des rapports Nord-Sud, les enjeux environnementaux et promouvoir un modèle agricole et alimentaire différent. Allier art et agriculture est une « action efficace pour atteindre l’autosuffisance alimentaire » selon Toguo (propos confiés à Jeune Afrique).
Bandjoun Station incarne l’exemple de la réussite d’un projet dans lequel les cultures s’apprivoisent, s’influencent et dessinent ensemble un autre avenir possible.
Alice Audouin et Marie Leprêtre
Crédit: Bandjoun Station, courtesy of Barthélémy Toguo
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