Après un été caniculaire, le mois d’octobre a été le plus chaud jamais enregistré depuis 1945. Ces bouleversements qui ne cessent de s’accroître et de dépasser prématurément des seuils irréversibles accélèrent également la réflexion et la création artistique. La notion de fragilité prend une place clé dans l’actualité artistique française, étant au cœur de la 16ème édition de la Biennale de Lyon intitulée Manifesto of Fragility qui se tient jusqu’à fin décembre (voir notre article). Institutions, fondations, galeries et musées bouleversent la place de la « nature » dans l’art pour déplacer l’enjeu vers une relation au « vivant », défiant ainsi un anthropocentrisme trop prégnant. Au sein des 23 expositions sélectionnées dans ce numéro, le vivant, l’humus et l’organique dialoguent avec l’artificiel et le numérique et dessinent une nouvelle symbiose avec les humains. 

En Île-de-France 

L’exposition « Zoosphères » au Domaine de Chamarande met à l’honneur depuis le 15 octobre le duo Art Orienté Objet (Marion Laval-Jeantet et Benoit Mangin), pionnier de l’art écologique depuis trente ans. Le collectif Superflex, créé à la même période en Suède et tout aussi engagé sur l’environnement, est exposé à la Maison du Danemark. A travers « There Is No Such Thing as Bad Weather » le célèbre trio suédois explore le changement climatique sous le prisme de trois approches : Technocentrée, Anthropocentrée, Écocentrée.

Après « Nous, les arbres », la Fondation Cartier remet l’arbre à l’honneur avec son complice l’« artiste-semeur » Fabrice Hyber, qui fait l’objet d’une importante monographie à partir du 8 décembre. Intitulée « La Vallée », cette exposition porte le nom d’une forêt aux centaines d’essences différentes, semée il y a trente ans par l’artiste en Vendée. L’exposition réunit plus de soixante peintures, abordant tous les champs du savoir : histoire, mathématiques, corps, mutations, biodiversité, etc.

Fabrice Hyber, Fountains, 2015 Fusain, peinture à l’huile, résine, pétrole et papier marouflé sur toile, 150 x 200 cm © Fabrice Hyber / Adagp, Paris, 2022.

La faune est au coeur de l’exposition « Musicanimale – Le grand bestiaire sonore », à la Philharmonie de Paris, qui aborde le vivant et son influence dans l’histoire de l’art (Tomás Saraceno, Julien Salaud, Bernie Krause), ainsi que les sonorités animales : le chant des oiseaux, le bruissement des insectes, le grondement des baleines, le hurlement du loup… Une belle façon d’aborder la biodiversité et le devenir des espèces qui nous entourent. 

Incontournable désormais, la Fondation LAccolade présente l’exposition qui clôt sa dernière saison de résidence intitulée « La Vie Enchevêtrée », avec notamment : Luz Moreno Pinart, le collectif FIBRA ou encore Charlotte Gautier Van Tour

A la Fondation Louis Vuitton, Lydia Ourahmane présente son installation « Tassili », une ode au site montagneux exceptionnel du Tassili n’Ajjer dans le désert du Sahara. Un lieu où la vie animale et végétale a été fortement bouleversée et qui a peu à peu transformé ce site en un désert minéral. 

Le Centre d’Art La Terrasse à Nanterre propose une double programmation, l’une consacrée à la pratique de Lélia Demoisy avec une exposition intitulée « Entre les deux rives de l’île fleurie » et l’autre consacrée à Thierry Boutonnier qui occupe la vitrine avec une exposition-installation intitulée « Où vont les lumières ? ». 

Chez Poush, l’exposition « Le paysan, le chercheur et le croyant. Chapitres I & II » curatée par Yvannoé Kruger inaugure une réflexion de long terme autour du paysage et de ce que l’agriculture témoigne de notre rapport au monde. Une invitation poétique, réalisée en plusieurs séquences, dans laquelle sont notamment exposées les œuvres de Noémie Goudal, Sara Favriau, Wiktoria ou encore Anne-Charlotte Finel (les trois dernières étant lauréates du Prix Planète Art Solidaire).

Vue de l’exposition « Le paysan, le chercheur et le croyant, Chapitres I & II », Poush, du 21 octobre au 6 janvier 2023, crédit : Grégory Chatonsky


Dans l’espace MAIF social Club, l’exposition collective, « Le Chant des Forêts », réunit le travail des artistes :
Florian Mermin (lauréat du prix Planète Art Solidaire), Tatiana Wolska ou Romain Bernini. Mythologique, politique, sociale ou religieuse, la forêt est abordée ici comme un espace de réflexions qui cristallise tous les enjeux contemporains.
 

Plus classique, au Centre Pompidou, la galerie d’art graphique présente les 241 dessins de Giuseppe Penone légués par l’artiste. Cet ensemble offre une approche unique sur la pratique de l’artiste, qui fait de l’arbre un thème de prédilection.     

Enfin, deux expositions plus historiques permettent de mieux connaître la place de la faune et de la flore dans les arts décoratifs et l’histoire. De Bernard Palissy à Johan Creten ou Elsa Guillaume, la manufacture de Sèvres montre leur place dans « Formes Vivantes », avec près de 350 œuvres. De son côté « Un bestiaire japonais, vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVII-XIX siècle) » dévoile à la Maison du Japon sa place dans la culture japonaise. 

Dans les galeries parisiennes : 

Après un été qui fut le théâtre de nombreux feux de forêts, la Galerie Horae met la forêt à l’honneur à l’occasion de l’exposition « De l’esprit des forêts » qui réunit sept artistes autour de Francis Hallé, célèbre botaniste spécialiste des forêts primaires : Anna l’Hospital, Pascal Mouisset, Josée Le Roux, Florian Mermin...

La Galerie Marguerite Millin offre sa seconde exposition personnelle à Sarah Trouche qui questionne le cheveu comme arme de protestation et de réparation écologique (il est utilisé pour nettoyer le pétrole par exemple) dans son exposition « HAIRS/HER ». Cette exposition accueille également une œuvre en hommage à la révolte iranienne actuelle.

L’exposition « Feu ! » marque la création de la galerie See, avec dix artistes dont Marion Flament, Anne Commet, Vladimir Skoda, Bianca Lee Vasquezqui révèlent un feu qui éclaire et réchauffe autant qu’il incendie. 

À la galerie Michel Rein, l’exposition de Maria Thereza Alves « On Remembering for a Future » offre l’occasion de découvrir ses nouveaux jardins portables, des tapis aux décorations florales inspirés du Moyen Orient. Une fois de plus cette grande figure brésilienne d’un art écologique montre sa capacité unique à faire parler les fleurs d’histoire et de géopolitique. 

Enfin dans les galeries parisiennes, bien que de courte durée (fermeture le 30 décembre), la toute nouvelle galerie Julie Caredda accueille l’exposition « La Caverne » de l’artiste Jonathan Bréchignac (Lauréat du Prix Planète Art Solidaire). Une expérience visuelle, sensorielle, gustative et sonore dans laquelle la grotte de l’artiste est devenue une œuvre d’art totale. 

En région

Avec Luma, Agir pour le Vivant ou encore bientôt la Fondation Thalie, Arles se transforme en place forte du lien entre l’art et l’environnement en France. Depuis le 11 novembre, à la fondation Vincent Van Gogh, une exposition collective, « Nature humaine – Humaine nature », réunit le travail d’artistes prestigieux tels que Pamela Rosenkranz ou Otobong Nkanga. Interrogeant la position de l’humain face à son environnement, l’exposition explore également l’impact du numérique et de l’artificiel sur le corps humain.

Au Centre d’Art Le Portique, au Havre, l’exposition de Michel Blazy, propose de faire de l’humus le sujet principal de son exposition « Six pieds sur Terre ». Une expérience sensorielle renouant avec le vivant, avec un tapis magique qui se découvre « par les pieds » !

Dans le cadre de la Biennale des Arts de Nice, le MAMAC, met le végétal en lumière à travers l’exposition « Devenir Fleur » avec les œuvres de 30 artistes dont Bianca Bondi, Anaïs Tondeur (lauréate du Prix Planète Art Solidaire), Uriel Orlow, Nils Udo ou encore Zheng Bo À découvrir aussi à la Galerie contemporaine du MAMAC : la collaboration d’Irene Kopelman avec deux laboratoires de recherche autour de la régénération des modèles marins. 

Uriel Orlow, Botanical Dreams, 2016, Tirage numérique sur papier, Courtesy de l’artiste et Mor Charpentier, Paris, © Adagp, Paris, 2022

Au Musée de Grenoble, l’exposition « De la Nature » questionne le rapport humain à la nature à travers les œuvres des artistes : Philippe Cognée, Cristina Iglesias, Wolfgang Laib ou Giuseppe Penone. 

A Roubaix, l’immense innovateur que fut William Morris est convié à contribuer à la réflexion sur le rôle des arts décoratifs au service d’ une vision engagée de la société, où les arts entrent en harmonie et contribuent à des progrès sociaux et écologiques concrets. 

Plus bas à Toulouse, Florian Mermin perpétue à merveille cette approche reliant arts décoratifs et environnement au sein une exposition personnelle : « Un matin de mai fleuri » à la Fondation espace écureuil. 

 

Alice Audouin, Hélène Geber, Pauline Lisowski

Novembre 2022

 

Expositions citées : 

En Ile-de-France 

       Zoosphères, solo show Art Orienté Objet, Domaine de Chamarande (Essonne), du 15 octobre 2022 au 12 février 2023

       There Is No Such Thing as Bad Weather, Maison du Danemark, du 18 novembre au 29 janvier 2023

       La Vallée, Monographie de Fabrice Hyber, Fondation Cartier, du 8 décembre 2022 au 30 avril 2023

       Musicanimale, Philharmonie de Paris, du 20 septembre au 29 janvier 2023

       Le chant des forêts, MAIF Social Club, du 1er octobre 2022 au 22 juillet 2023

       La Vie Enchevêtrée, Fondation LAccolade, WILDE, du  17 au 30 novembre 2022 

       Tassili, film de Lydia Ourahmane, Fondation Louis Vuitton, du 7 octobre 2022 au 23 janvier 2023

      Entre les deux rives de l’île fleurie, solo show Lélia Demoisy, La Terrasse (Nanterre), du 15 octobre au 17 décembre 2022

      Où vont les lumières ?, solo show de Thierry Boutonnier, La Terrasse (Nanterre), du 1er octobre au 17 décembre 2022

      Le paysan, le chercheur et le croyant. Chapitres I & II, Poush, du 21 octobre au 6 janvier 2023 

     Dessins, solo show Giuseppe Penone, Centre Pompidou (Paris), 19 octobre 2022 au 6 mars 2023

     Formes Vivantes, manufacture de Sèvres réunit, du 9 novembre et 7 mai 2023

     Un Bestiaire Japonais, Maison de la culture du Japon à Paris, du 9 novembre 2022 au 21 janvier 2023

Galeries :

     L’esprit des forêts, exposition collective, Galerie HORAE (Paris), du 30 septembre au 8 décembre 2022

     HAIRS/HER, solo show Sarah Trouche, Galerie Marguerite Millin, du 19 octobre au 3 décembre 2022 

     FEU !, exposition collective, See Marais (Paris), du 3 novembre 2022 au 8 janvier 2023

     On Remembering for a Future, Michel Rein, 15 octobre  – 26 Novembre 2022

    La Caverne exposition personnelle de Jonathan Bréchignac, du 22 novembre au  3 décembre 2022

Expositions en région :

     Manifesto of Fragility, 16ème Biennale de Lyon, du 14 septembre au 31 décembre 2022

     Nature humaine – Humaine nature, Fondation Van Gogh, Arles, 11 novembre 2022 – 10 avril 2023

     Six pieds sur Terre, solo show Michel Blazy,  Le Portique (Le Havre) du 1er octobre au 18 décembre 2022

     Devenir fleur, exposition collective, MAMAC (Nice), du 10 novembre 2022 au 30 avril 2023

     Modèles marins. Dessiner la régénération, Irène Kopelman, MAMAC (Nice), du 24 septembre 2022 au 2 avril 2023, voir notre article 

     De la nature, Musée de Grenoble, du 22 octobre 2022 au 19 mars 2023

     L’art dans tout, William Morris (1834-1996), la Piscine Roubaix, du 8 octobre au 8 janvier 2023

     Un matin de mai fleuri, solo show Florian Mermin, Fondation Espace Écureuil pour l’art contemporain (Toulouse), du 4 novembre au 24 décembre 2022

Autres expositions à voir également : 

    Outremonde, le troisième chapitre du triptyque “OUTREMONDE” de l’artiste Théo Mercier, Conciergerie Paris, du 14 octobre au 8 janvier 2023.

     Stère, Vincent Laval, Maison des arts de Châtillon, du 16 septembre au 11 décembre 2022, voir notre article

     Le cran vous dés(s)ape comme un petit ver tout nu, Sara Favriau, Maison des Arts de Malakoff, du 27 juin 2022 au 4 décembre 2022, voir notre article 

     VIVANT, exposition collective, Fondation GoodPlanet, du 9 avril au 18 décembre 2022

     Nous sommes tous des lichens, exposition collective, Musée d’art contemporain de la Haute-Vienne, Château de Rochechouart, du 7 octobre au 15 décembre 2022 

     Manger les fleurs, exposition collective, Galerie Sono , du 4 novembre au 17 décembre

     Nature // Natures, exposition collective, Loo & Lou Gallery, du 23 septembre au 23 décembre 2022

     Pierres secrètes, solo show Sophie Hélène, Creux de l’enfer, Thiers, du 15 octobre au 26 février 2022

     Hypothèses végétales, Marinette Cueco, musée de l’Hospice Saint-Roch (Issoudin), du 1er octobre au 30 décembre 2022

     Des foules, des peuples, des créatures, duo show Carmen Perrin et Virginie Delannoy, Musée Saint Léger (Soissons), du 14 octobre 2022 au 29 janvier 2023 

     La Ruche, solo show Lionel Sabatté, La Grande Place, Musée du Cristal de Saint-Louis (Saint-Louis-lès-Bitche), du 26 octobre 2022 au 3 avril 2023

     L’heure intime du Monde, Solo show Yann Bagot, galerie Robert Dantec, du 28 ocobtre et 17 décembre 2022

     Chasseurs de tempêtes, exposition collective, La Passerelle (Brest), du 14 octobre 2022 au 14 janvier 2023

     Les 3 Pôles, solo show de Vincent Munier, Musée de la Photographie (Nice), du 15 octobre 2022 au 15 janvier 2023

     Pluie sur mer, solo show Minia Biabiany, Le Grand Café (Saint-Nazaire), du 8 octobre au 31 décembre 2022

     La conscience de l’eau, duo show de Rune Guneriussen et Maud Louvrier-Clerc, Maison de la Norvège (Paris), du 18 octobre au 30 novembre 2022

     Destination de nos lointains, monographie de François Réau Fondation Bullukian, du 14 septembre au 30 décembre 2022

    Les Haies, de Joël Auxenfans, la Petite Galerie, Les Tanneries, Amilly, du 8 octobre au 4 décembre 2022

    Allégories périssables, exposition personnelle de Rodrigo Braga, Galerie Salon H, du 4 novembre au 21 janvier 2023

Impact Art News, Octobre-Novembre 2022 #40

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Couverture : Art Orienté Objet, Un aigle et une colombe se transforment l’un dans l’autre ou La chasse mazzera, 2013 – [Bûches, branches, céramiques, flaques de verre, néons – 225 x 282 x 320 cm – Production Musée de la Chasse et de la Nature] Vue de l’exposition « Art Orienté Objet (Marion Laval-Jeantet & Benoît Mangin) – Zoosphères » au Domaine départemental de Chamarande [15/10/2022 – 12/02/2023] – Photo : Département de l’Essonne/François Lauginie – © Art Orienté Objet, 2022