Nicolas Floc’h sillonne les mers pour répertorier les paysages sous-marins. Pour ce projet au long cours nommé « Paysages productifs », l’artiste est devenu navigateur confirmé, plongeur professionnel, expert en océanographie et bien plus encore. Depuis 2015, Floc’h révèle un monde invisible en prenant le paysage sous-marin comme sujet et rompt avec les codes habituels du genre : à la place de la couleur saturée, il opte pour le noir et blanc, le grand angle et la lumière naturelle. Ces paysages photographiques révèlent des mondes fascinants mais également effrayants : les effets des rejets, du réchauffement climatique et de l’acidification y apparaissent plus marqués que sur Terre. Reste-t-il des zones sous-marines « intactes » ? À quoi ressemble un paysage « acide » ? La présence de poissons indique-t-elle forcément des écosystèmes riches ? L’épopée de Floc’h permet de répondre non seulement par l’image mais par la science, la majorité de ses expéditions en mer (en Bretagne, Japon, Sicile…) étant réalisées dans le cadre de programmes de recherches scientifiques (avec l‘Ifremer, le CNRS, le MNHN notamment) auxquelles il participe.

Les paysages qui se trouvent à proximité des côtes sont ceux qui intéressent le plus l’artiste, car ils témoignent des enjeux globaux mais aussi locaux, sur lesquels il est possible d’agir plus rapidement. Ainsi, ses prises de vue des paysages sous-marins du Parc National des Calanques, de Marseille à la Ciotat (soit 162 kilomètres à la nage !), actuellement exposées au FRAC PACA, révèlent la pauvreté d’un écosystème qui subit les pressions de rejets importants, en dépit de la présence de nombreux poissons.

Si ses paysages sont en noir et blanc, Floc’h fait également parler la couleur de l’eau. Ses tirages monochromes varient du vert au bleu. Chaque couleur informe sur le cycle du carbone, la présence de sédiments, la quantité de phytoplancton mais aussi sur la pollution. Ces images monochromes, proches de l’abstraction, nous emmènent au cœur du vivant et de ses origines !

Ancien résident du légendaire bateau Tara, Floc’h collectionne et expose les transformations d’un monde sous-marin en grand danger. La comparaison de paysages sous-marins acides / non acides dévoile en un clin d’œil le désastre en cours.

Ralenti dans son investigation par la pandémie, Floc’h garde le zen de l’apnéiste et prépare sa prochaine odyssée. Pour la première fois, son appareil photo plongera sans lui, pour explorer la mer à la limite du visible, à 100 mètres de profondeur. Pour quelques années encore, il va continuer d’explorer l’interdépendance des destins terrestres et marins, et ainsi changer notre regard sur l’océan.  

Alice Audouin

Octobre 2020

 

Crédit: La couleur de l’eau, vue de l’exposition Nicolas Floc’h, FRAC PACA, 2020, ADAGP Lauren Lecat / Invisible (détail), vue de l’exposition Nicolas Floc’h, FRAC PACA, 2020, ADAGP Lauren Lecat

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