FRIEZE – PARIS+, UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE À DEUX VITESSES ?

La nouvelle foire Paris+ par Art Basel change l’échiquier mondial des foires d’art et le paysage artistique parisien, attestant un saut qualitatif par rapport à l’ancienne Fiac. Mais ce saut vaut-il aussi pour l’environnement  ?

Du point de vue des artistes liés à cette thématique, force est de constater un retard comparativement à Frieze qui s’est déroulée une semaine plus tôt et qui a confirmé son avancée, dans la foulée d’une dynamique déjà lancée en 2021 par la présence active de la Gallery Climate Coalition.

Aux côtés du désormais iconique Julian Charrière chez Sean Kelly ou de la monumentale installation sur le thème de l’environnement de Laure Prouvost à la galerie Lisson, la nouvelle section “Indra’s net” curatée par Sandhini Poddar a drastiquement élevé la conscience environnementale du contenu de Frieze. Cette section a mobilisé 18 galeries plus émergentes, donnant ainsi carte blanche à Dorothy Cross (Galerie Kerlin, Irlande) ou encore à Oscar Santillan (Galerie Copperfield, Londres). La légendaire galerie engagée Mother’s Tankstation n’est plus isolée ! 

Par ailleurs, Frieze a mis en valeur dès l’entrée de la foire l’ONG environnementale Platform Earth qui a collaboré avec l’artiste Es Devlin autour d’une œuvre carbon-negative à base d’une encre fabriquée à partir de la pollution de l’air. Enfin, la particularité anglaise d’avoir des artistes spécialisés de longue date sur ce thème, comme Marcus Coates qui a révélé les 365 actualités de son « calendrier de la nature » chez Kate Macgarry, a permis aux visiteurs de faire de bonnes affaires : en effet, ces artistes déjà historiques sont encore très abordables. 

Du côté de Paris+ par Art Basel, la Galerie Neugerriemschneider n’avait hélas pas mis en valeur son nouvel artiste, figure majeure de l’ère post-carbone, Tomàs Saraceno. Certes la présence de Superflex chez Kukje Gallery, de Bianca Bondi chez Mor Charpentier (deux galeries également présentes à Frieze), de Piero Gilardi à la galerie Michel Rein ou du légendaire Lois Weinberger chez Salle Principale, donnait une touche verte pertinente, mais loin de la green new wave Outre-Manche. Si ce n’est en son cœur, Paris+ a cependant offert de belles propositions à sa périphérie, au Jardin des Tuileries, avec Otobong Nkanga (Galerie In Situ-Fabienne Leclerc) ou Ugo Schiavi (Double V Galerie), et parmi les parcours VIP associés, citons «  Les Militantes  » chez Guerlain ou encore «  Le Rêve du Scaphandre  » par CulturFoundry

Au-delà des artistes présentés,  qu’en est-il du côté de la réduction de l’impact environnemental de la foire elle-même ?
Si Frieze et Paris+ affichent les mêmes ambitions en tant que membres de la Gallery Climate Coalition (GCC) et cochent toutes deux les cases de l’éclairage 100 % LED et de la réutilisation des cimaises (prévue dans tous les cas dans les contrats de location), les exposants remarquent davantage de changements à Londres, même au travers d’actions plus symboliques comme un plan « zéro bouteilles en plastique » mis à exécution en octobre dernier. Des mesures certes encore limitées au regard de l’action d’Art Paris qui a engagé en 2021 une véritable démarche d’éco-conception (voir notre article) et qui n’adressent pas suffisamment l’impact carbone du transport des œuvres et des visiteurs, qui exige une approche sectorielle concertée. Ces démarches plus collaboratives et écologiques avanceront en 2023, y compris grâce à de nouvelles initiatives en France ainsi que nouvelles têtes pensantes d’un art plus écologique, tels Guillaume Désanges au Palais de Tokyo ou Emmanuel Tibloux à l’École nationale supérieur des arts décoratifs… la France n’a pas dit son dernier mot ! 

 

Alice Audouin 

 

Impact Art News, Octobre-Novembre 2022 #40

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Article également publié dans la rubrique Sustainable Art Market de la nouvelle newsletter Art Market Day proposée par le Quotidien de l’Art (s’abonner à la newsletter). La rubrique Sustainable Art Market, confiée à Alice Audouin par Art Market Day, apporte chaque mois une actualité ou une expertise sur le marché de l’art sur les questions d’environnement et de développement durable.

Couverture : Ugo Schiavi, Soulèvement-Effondrement,2022, résine, acier, mauvaise herbe et système d’arrosage, Double V ©Agathe Hakoun pour CDA / Ugo Schiavi
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